Cultivar Kondo-wase
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Fidélité récompensée
Le cultivar Kondo-wase est un croisement entre le « Inzatsu131 » (théier hybride Assamica né d’une graine apportée par un chercheur lors de son voyage à l’étranger) et un yabukita.
C’est un thé très onctueux, très floral, avec des arômes exotiques, et une fine astringence.
Nous avons le plaisir de vous en proposer à la vente quelques paquets de 50g, conditionnés sous vide d'azote (gaz neutre qui empêche l'oxydation). Notre conseil de préparation : 3 à 4 g en théière japonaise kyûsu, à 85°C pour 60 secondes d'infusion.
Produit par Mr Matsukawa.
Lieu de culture : Mariko, Shizuoka
Cépage : Kondo-wase.
Cueillette manuelle.
Le Thé au Japon, un peu d'histoire
Comme en Chine, la destinée du thé Japonais a été dès ses origines liée à celle du bouddhisme, les moines zen ayant été les premiers à introduire le breuvage dans le pays, et ayant été ses plus fervents ambassadeurs. Deux grands noms de l'histoire japonaise surtout, Eichû et Eisai, sont à l'origine de la passion japonaise pour le thé.
Eichû, une première introduction du thé au Japon
L'idéogramme cha (茶) semble avoir été utilisé au Japon à partir du début de l’époque de Heian (794-1191). Ainsi, le Nihon Kôki (日本後紀), ouvrage relatant l'histoire " officielle " du Japon et terminé en 840, évoque le moine Eichû (永忠, 743-816) qui, de retour dans l'archipel après près trente ans d’études en Chine, ramena avec lui des graines de théier, ainsi que des briques de thé (団茶, dancha). En 815, Eichû aurait fait déguster ce breuvage à l’Empereur Saga (786-842). Féru de culture chinoise. le souverain semble avoir été conquis par cette nouveauté venue du continent puisqu'il a exigé que des plantations de thé soient développées dans le Kinki (Kansai) et dans les propriétés impériales de la capitale Kyôto. Mais le thé, produit rare et d'importation, demeurait coûteux, réservé à un petit nombre de privilégiés ; l’intérêt qu’il avait suscité retomba rapidement. D'autant plus qu'il n'avait probablement pas fort bon goût. En effet, on faisait chauffer les briques pour en râper des morceaux, ensuite bouillis et mélangés à d'autres ingrédients. En gros, une sorte de potage, probablement plus consommé pour ses bienfaits médicinaux ou par snobisme que pour sa réelle saveur !
Eisai et le thé en poudre
Les ambassades japonaises en Chine furent interrompues en 838 (étant officiellement supprimées en 894) et, pendant un certain temps, les échanges ne furent plus que commerciaux. Cependant, les relations sino-japonaises reprirent activement au XIe siècle et l'on vit dès lors de nombreux religieux, ou des artistes japonais, se rendre sur le continent pour y étudier. L'un deux, le moine Eisai (栄西, 1141-1215) allait devenir l'une des figures majeures de la culture japonaise, pour plusieurs raisons. En effet, non seulement Eisai a importé le bouddhisme Cha’n chinois dans son pays natal, étant ainsi à l'origine du zen japonais, mais il a aussi réintroduit, cette fois pour de bon, le thé dans l'archipel. Eisai ramena avec lui non seulement des semences, mais également une nouvelle manière de consommer le thé, un mode de préparation d'origine chinoise et correspondant à l'actuel matcha (抹茶) japonais, le thé réduit en poudre étant battu avec de l’eau chaude dans un récipient. Le matcha a perduré avec le succès que l'on sait au Japon, mais cette forme de préparation fut par contre abandonnée assez rapidement en Chine, faisant du thé en poudre battu une spécificité japonaise.
Le thé était probablement encore surtout consommé en tant que médicament à l'époque d'Eisai, et ce dernier a écrit un célèbre essai détaillant les qualités médicinales du thé, le Kissa Yôjôki. Mais le thé était aussi utilisé comme stimulant par les moines, afin de leur permettre de rester éveillés lors de leurs longues séances de méditation. Sa préparation et sa dégustation dans les temples fut codifiée. Lors de grandes cérémonies durant lesquelles les prêtres offraient le thé aux dieux ou aux esprits des morts, le thé était aussi servi aux invités, ce qui lui permit de toucher un plus large public et de commencer à se répandre plus largement, du moins dans les classes les plus privilégiées. Dans les campagnes, on consommait probablement des thés à la préparation plus simple, le plus souvent des feuilles simplement séchées au soleil et longuement bouillies.
Les héritiers d'Eisai
Des graines qu’Eisai avait offertes au prêtre Myôe (明恵, 1173-1232) du temple Kôzanji à Kyôto, furent plantées dans la région de Togano-o (栂尾), à l’ouest de la capitale. Le thé de Togano-o fut surnommé honcha (本茶, vrai thé, thé originel...), tandis que les autres furent désignées comme hicha (非茶). Le honcha est à l’origine du célèbre thé d’Uji, une ville proche de Kyôto dont le nom reste encore aujourd'hui synonyme, pour nombre de Japonais, de thé de haute qualité. Les concours durant lesquels il fallait distinguer honcha et hicha allaient devenir un divertissement prisé dans les classes supérieures de la société.
En 1241, près de cent ans plus tard, le moine Shôichi Kokushi allait apporter à son tour de nouvelles connaissances qui lui permirent de perfectionner la culture du thé. Honyama (préfecture de Shizuoka) devint ainsi grâce à lui une zone de production majeure et est restée elle aussi particulièrement renommée à travers les âges, produisant encore actuellement un thé de haute qualité.
Les moines ont donc indéniablement joué un rôle majeur dans le développement du goût japonais pour le thé, et la culture du théier n'aurait probablement pas pu s'implanter avec autant de succès dans l'archipel sans ces pionniers. En retour, peut-être la diffusion du thé s'est-elle avérée un outil utile dans le succès du zen au Japon. Les deux semblent toujours inextricablement liés, notamment à travers le chanoyu, la cérémonie japonaise du thé, dont bien des préceptes sont issus du zen et dont les grands maîtres sont aussi des moines zen. D'abord principalement dans un cadre religieux, le thé Japonais se répand ensuite dans d'autres espaces de la vie sociale. Sa dégustation devient même un divertissement prisé par l'aristocratie de cour durant l'époque Heian, puis par l'aristocratie guerrière ou les riches roturiers. Ainsi, aux époques Kamakura (1185-1333) et Muromachi (1333-1568) en particulier, des compétitions appelées tôcha sont régulièrement organisées dans le cadre de fastueux banquets. Les participants ont la difficile tâche de définir s'il s'agit d'un honcha, prestigieux thé issu des premières semences amenées par le moine Eisai, ou d'un hicha. La palette des thés disponibles s'élargit avec le temps et permet ainsi des jeux d'autant plus complexes.
Face à leur succès grandissant, les concours de thés avec paris sont interdits en 1336 par le code Kemmu, qui définit en dix-sept articles des règles de maintien de la loi et de l’ordre, et tente de réguler la conduite des classes supérieures. Mais les cadeaux offerts aux gagnants demeurent extravagants, avec surtout l'attribution de superbes céramiques continentales. Les compétitions sont en fait pour l'hôte une occasion de faire étalage de sa richesse et de ses propres collections de céramique. Ce goût de l’ostentatoire s’exprime dans le terme de basara, un mot d’origine bouddhique qui évoque l’excès et l’extravagance, un goût baroque en quelque sorte. A l’époque de Sen no Rikyû (1522-91), figure emblématique de la cérémonie japonaise du thé, quelques concours de thé sont encore organisés et les écoles de thé héritières du maître en reprennent l’idée, sous une forme beaucoup plus formelle, avec le cha-kabuki. Le cha-kabuki encore pratiqué aujourd'hui pour aider les étudiants à affiner leur goût, à développer leur capacité à distinguer entre différents thés.
Le thé artistique et spirituel, le chanoyu
Les tôcha commencent à décliner avec l’apparition d’une nouvelle forme de dégustation de thé, plus intime. Le grand initiateur de ce renouveau est le huitième shôgun Askikaga Yoshimasa (1436-1490), un homme politique calamiteux, qui a par contre largement marqué de son empreinte la culture japonaise, en s’entourant des artistes les plus talentueux et les plus novateurs de son temps. Ainsi, l’art floral, la cérémonie du thé, le nô ou la peinture à l’encre doivent beaucoup à Ashikaga Yoshimasa. Cette période de bouillonnement artistique est connue sous le nom de culture Higashiyama, en référence au quartier de Kyôto où le shôgun fit construire le Pavillon d’Argent (Ginkakuji) en hommage à son grand-père commanditaire du Pavillon d'Or (Kinkakuji). Yoshimasa souhaitait se retirer à Higashiyama pour mener une vie dédiée aux arts et à la religion et ainsi allaient se développer des concepts tels que le wabi-sabi, d’une importance fondamentale pour l’évolution de la cérémonie du thé.
Nôami (1397-1471), le conseiller artistique (dôbôshû) de Yoshimasa et directeur des collections shôgunales, fut aussi un artiste complet, peintre et poète. Loin des clinquantes compétitions de thé, Nôami développa le shôin-daisu, dégustation plus intime organisée dans la pièce d'étude shôin, le terme daisu désignant l’étagère chinoise portative à deux niveaux sur laquelle étaient installés les ustensiles. Nôami aurait présenté à Yoshimasa le prêtre Murata Shukô (ou Jukô, 1422-1502), considéré comme le véritable père fondateur du chanoyu, littéralement « l’eau chaude pour le thé ».
Modestie, respect, pureté et sérénité, les quatre grands fondements
Shukô, né à Nara, était entré dans un monastère à l’âge de onze ans. Mais, déçu par la vie monastique, il partit pour Kyôto où il rencontra Nôami et étudia avec l'excentrique moine zen Ikkyû (1394-1481), supérieur du temple Daitokuji. Ikkyû souhaitait revenir à un cérémonial du thé simplifié, plus fidèle à l’idéal des maîtres chinois de l'époque des Tang ; il recherchait dans la dégustation de thé une prise de conscience totale de chaque geste, de chaque instant, dans « l’ici et maintenant ».
Shukô imprégna fortement le rituel du thé de pensée zen. Il délimita à quatre tatamis et demi l’espace réservé à la dégustation dans une grande pièce. L'étape suivante consista en un déplacement du rituel du thé à de simples huttes (sôan), évocations de retraites campagnardes, d'ermitages de montagne. Shukô utilisait des céramiques chinoises, mais aussi des productions japonaises (wamono), notamment celles des fours de Bizen et Shigaraki. Ce serait également à lui qu'on devrait l'usage d’accrocher des calligraphies zen dans l'alcove tokonoma et la large utilisation du bambou, aussi bien dans la structure du pavillon de thé que pour la fabrication d’accessoires. Deux documents écrits sont associés à Shukô, le Dialogue avec Shukô (Shukô Mondo) et Kokoro no Fumi (lettre sur le cœur). Le premier texte repose sur une conversation supposée entre Shukô et Yoshimasa ; Shukô y insiste sur l'importance d’oublier toute distinction de classe dans la pièce de thé, ce qui allait devenir l’un des fondements du chanoyu. La réunion de thé devait en effet permettre d’atteindre la paix grâce à l’adoption des principes de modestie, respect, pureté et sérénité, les quatre fondements immuables du chanoyu.
L'esprit wabi-sabi
Bien que la cérémonie telle qu’envisagée par Jukô exprime déjà l’esprit wabi, le maître de thé n’employait pas ce terme, qui fut développé par son disciple Takeno Jôô (1502-1555) et plus encore par Sen no Rikyû.
Jôô était le fils d’un riche marchand de Sakai, une ville portuaire proche d’Ôsaka. Il étudia d’abord la poésie et l’art de l’encens, avant de se dédier au thé. Il prônait l’usage d’« objets trouvés », de céramiques d’usage quotidien détournées de leur fonction originelle. Jôô a laissé une Lettre sur le Wabi (Wabi no Fumi) où il décrit ce concept comme « l’honnêteté, la prudence, et le détachement, autant émotionnel que matériel ». Le wabi, qui signifiait à l’origine solitaire, désolé, perdit ainsi sa connotation originelle négative pour louer les vertus de la simplicité et de la sobriété. Il est souvent associé au sabi (du verbe sabu, se rouiller, s’user …), qui exalte la beauté de la patine laissée par le temps.
Sen no Rikyû fut profondément influencé par Murata Shukô et Takeno Jôô. Rikyû, de son véritable nom Tanaka, était lui aussi le fils d’un riche marchand de Sakai. Il s’attacha à éliminer tout ce qui lui semblait superflu dans la pièce de thé et développa un rituel dépouillé de tout geste ou objet inutile. Pour Rikyû, la Voie du Thé est « une discipline esthétique, basée sur la loi bouddhique, visant à atteindre le salut spirituel », même s’il réduisit aussi, probablement non sans facétie, le rituel du chanoyu à « faire chauffer de l’eau, préparer le thé et le boire convenablement » !
Cependant, Sen no Rikyu fut le maître de thé officiel de Oda Nobunaga puis de Toyotomi Hideyoshi, les deux premiers grands réunificateurs du Japon. Les cérémonies organisées pour Hideyoshi alternaient entre flamboyance et simplicité, son château de Fushimi renfermant à la fois une célèbre salle de thé dorée transportable (accompagnée d'accessoires également en or), mais aussi une minuscule hutte de deux tatamis.
Les circonstances qui poussèrent Hideyoshi à exiger le suicide de son maître de thé en 1591 sont restées mystérieuses. Elles ont donné lieu à de nombreuses hypothèses, mais il semble vraisemblable que le seigneur a pu prendre ombrage de l’influence grandissante de Rikyû. On évoque aussi l'avidité de Rikyû dans le commerce d’ustensiles de thé, sa dénonciation comme comploteur contre Hideyoshi ... ou encore le fait qu’il aurait installé son portrait sur le portique du temple Daitokuji, obligeant ainsi le guerrier à passer dessous, ce qui affirmait symboliquement la supériorité du maître de thé sur le seigneur ! Nombre de ces théories sont évoquées Le Maître de thé, un court livre de Yasushi Inoue, qui restitue admirablement l’atmosphère de l’époque de Rikyû. Dans tous les cas, l'héritage de Rikyû a survécu dans le temps, et s'est même largement développé, grâce aux trois grandes écoles créées par les héritiers du maître, écoles qui dominent encore le monde du chanoyu aujourd'hui.
Valérie Douniaux - Le guide du Thé du Japon